Rentrée littéraire automne 2022

MOT DE L’ÉDITEUR :

«Un automne de force»

Audaces du romancier Jean-François Caron, sur le territoire d’un fin conteur aux prises avec son diable intérieur ; envolées fictives et biographiques autour du rêve de danse classique qui a fait battre le corps, le cœur et l’âme de Pascale Navarro, de ses huit à dix-huit ans ; réflexion lucide, inspirée et caustique sur le refus de réussir par David Homel, au sommet de son art romanesque dans Une maison sans esprits ; drame douloureux sous la plume somptueuse d’Hélène Rioux, qui fait s’écrire le scénario d’une vie interrompue ; dégaine du guide de chasse que Marc Séguin campe à Anticosti, puis sur l’île aux Naufrages, et dont les amours successifs battent de l’aile ; hardiesse de Miro Larocque, dont le Chouchou excède déjà les promesses du primoroman par ses éblouissements multiples ; souffle épique et incisif d’Emmanuel Aquin, qui remonte aux sources des familles écossaises qui ont peuplé la région de Mégantic et subi la catastrophe du 6 juillet 2013 ; humour grinçant et cruels paradoxes chez Guillaume Lambert, qui convie dans Eschatologie (l’effondrement) un misanthrope à commenter son époque désabusée ; lumière de vivre captée par Marianne Marquis-Gravel dans l’antichambre d’un amour menacé par la maladie ; traversée du monde postmoderne de GoldTex, qui rachète les pays en faillite, brillamment menée par Laurent Gaudé ; prose opulente d’Emmanuel Poinot dans un court roman de l’intranquillité, du doute et du caractère impitoyable de l’existence.

Variations audacieuses également en littérature jeunesse, avec l’arrivée d’une voix émergente, celle de María Carla, dont le drame cubain Olas est lesté d’émotions vives, et le retour de la prose au relief unique de Jonathan Bécotte, qui nous offre un nouvel opus, La chambre éteinte.

Des dramatiques sur la ligne du risque, de Gabrielle Chapdelaine à Isabelle Leblanc, en passant par Guillaume Corbeil et Wajdi Mouawad, avec en prime un opéra original de Michel Marc Bouchard, La beauté du monde. Textes auxquels s’ajoute une correspondance éclairante entre Carole Fréchette et Lise Vaillancourt sur leurs chantiers de création respectifs – titre inaugural de la collection « Pratiques théâtrales ».

Un essai percutant sur la Colombie d’Escobar par le grand journaliste Jean-Michel Leprince ; la correspondance-vérité entre Pierre Vadeboncœur et Yvon Rivard (1974-2010), dans laquelle se déploie une amitié libre ; un monumental premier volume des textes médiatiques d’Hubert Aquin, réunis et présentés par Nino Gabrielli, avec la collaboration d’Andrée Yanacopoulo et de François Maltais-Tremblay ; une interrogation multidisciplinaire de la modernité dans un collectif d’essais d’ego-histoire dirigé par Pascal Bastien ; sans compter l’inattendu testament littéraire d’Antonine Maillet, mené par de savoureux dialogues avec ses personnages devenus plus grands que nature.

Après Les cahiers de Céline (triptyque formé des romans Le cahier noir, Le cahier rouge et Le cahier bleu), publié dans « Corpus » en juin dernier pour souligner ses quatre-vingts ans, Michel Tremblay offre en octobre Les dits d’Hosanna, composé de touchants échanges entre cet ancien travesti et un jeune journaliste d’aujourd’hui.

Des écritures audacieuses, certes, et des bonheurs de lecture tout aussi trépidants.

Pierre Filion